Médicament : le plan choc de Bertrand face aux « défaillances graves » du système
Le ministre de la Santé a présenté ce jeudi les grandes lignes de la réforme du médicament, largement inspirée des Assises organisées sur ce thème. Le projet de loi sera examiné en conseil des ministres avant la trêve estivale (et soumis au Parlement à l’automne). La reconstruction repose sur trois piliers : la prévention des conflits d’intérêts et la transparence des décisions ; le doute qui bénéficie systématiquement au patient ; enfin, des professionnels de santé mieux formés et informés.
Voici les principales mesures décidées.
Désormais, un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts (DPI) devra être systématiquement rempli par les acteurs du monde de la santé (experts externes et internes, professionnels de santé, associations de patients). Chaque institution devra disposer d’une cellule de déontologie pour gérer et contrôler les DPI.
Le gouvernement va mettre en place un « Sunshine Act à la française », qui s’adressera à l’ensemble des acteurs du monde de la santé. Toutes les conventions et rétributions passées entre laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients devront être publiques et consultables.
Xavier Bertrand veut renforcer la collégialité des travaux des Agences.
Les commissions devront intégrer des personnalités qualifiées, de spécialités médicales autres que celles directement concernées par le médicament étudié. Les débats seront rendus publics. Le nombre de membres sera limité. Autre décision : le renforcement des capacités d’expertise interne (recrutement d’une vingtaine d’experts de haut niveau - pharmacologues, épidémiologistes, statisticiens).
L’AFSSAPS change de nom et s’appellera désormais l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et des produits de santé.
Le gouvernement veut une AMM plus exigeante au niveau européen. Elle devrait être conditionnée à la présentation de données comparatives avec les médicaments de référence. Le médicament devra démontrer qu’il est au moins aussi bien que les alternatives thérapeutiques disponibles et remboursables.
Les médicaments présentant un service médical rendu insuffisant ne seront plus remboursés (sauf avis contraire du ministre).
Elles ne sont pas interdites mais doivent rester « exceptionnelles ». La mention hors AMM de la prescription devra être inscrite sur l’ordonnance. Xavier Bertrand mise sur les logiciels d’aide à la prescription certifiés HAS pour aider les professionnels à distinguer les indications relevant de l’AMM et celles hors AMM.
Le projet devrait favoriser et simplifier la notification des effets indésirables pour les professionnels (avec retour systématique en cas de signalement). La liste des médicaments sous surveillance sera régulièrement mise à jour (avec une grille de lecture plus fonctionnelle, pictogrammes...).
Le rapport bénéfice/risque des médicaments les plus anciens sera réévalué. Une commission mixte bénéfice risque sera créée à l’ANSM pour traiter des sujets majeurs. « Si les délais des études demandées aux industriels ne sont pas respectés, des sanctions s’appliqueront », martèle Xavier Bertrand.
La publicité sur les dispositifs médicaux sera encadrée.
Un portail public du médicament sera créé (regroupant les informations de l’ANSM, de la HAS et de l’Assurance-maladie). Xavier Bertrand souhaite que ce site devienne la « référence en matière d’information sur le médicament ».
Côté médecins, la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance sera renforcée dans les formations (initiale et continue). Pour les étudiants, précise Xavier Bertrand, « il faut interdire tout financement par les laboratoires dans le cadre des études ». Quant à la formation continue des libéraux et des hospitaliers, elle sera pour partie financée « par un prélèvement provenant de l’industrie pharmaceutique ».
La VM sera revue de fond en comble, mais par étapes. Dans un premier temps, et de façon expérimentale, Xavier Bertrand veut l’interdire dans un cadre individuel à l’hôpital et la limiter au seul cadre collectif (avant extension éventuelle à la médecine de ville).
› CYRILLE DUPUIS