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Le blog du recrutement médical
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16 septembre 2011

Qui veut salarier les médecins ruraux ?

Pour attirer les généralistes en milieu rural, va-t-il falloir les salarier ? Le maire UMP de La Ferté-Bernard (Sarthe) a décidé de sauter le pas en ouvrant la semaine dernière un centre de santé municipal. Il propose aux praticiens de venir s’installer contre un salaire mensuel de 4.000 euros net. D’autres communes pourraient s’engager dans la même direction dans les mois qui viennent. Un mouvement modérément apprécié côté syndicats.

Le Centre municipal de santé Fertois a ouvert ses portes au début du mois et le médecin actuellement en place a commencé ses consultations le jeudi 8 septembre. Sur les quatorze généralistes libéraux que compte la ville, trois avaient annoncé leur départ à la retraite. Les élus ont tout essayé pour assurer la relève : « annonces dans les journaux, sur les sites spécialisés, dans les facultés de médecine et les cabinets de recrutement » énumère Jean-Charles Grelier, Maire de La Ferté Bernard. « Aucun médecin n’a souhaité venir s’installer ici, seul ou en maison médicale, mais beaucoup d’entre eux nous ont signalé que, si on leur avait proposé d’être salariés, ils auraient pu répondre par l’affirmative ». En tout, 1.500 médecins ont été approchés. En vain. Pourquoi une telle réticence de la part des jeunes praticiens ? « Au début je croyais que le frein principal à leur installation était la campagne. Mais non. Il n’y a pas de handicap spécifique au secteur rural. C’est la médecine qui a changé. » Le Maire avait aussi écarté la possibilité de la création d’une maison médicale : « on a décidé d’investir dans les médecins plutôt que dans les murs. Dans notre région, les maisons médicales ont été construites et sont restées vides. » L’élu a alors décidé de miser la coquette somme de 150.000 euros sur son Centre de santé municipal.

Voilà donc huit jours que ce projet, pionnier en zone rurale, s’est concrétisé. Le Dr David Houtié coordonnera le Centre de santé Fertois et sera assisté par une secrétaire. Il sera rejoint par un deuxième médecin avant la fin de l’année et deux étudiants, actuellement internes, ont donné leur accord de principe pour participer au projet à l’horizon 2012. Le médecin touchera un salaire mensuel de 4.000 euros net, les honoraires de ses consultations étant perçus par la Mairie qui, de son côté, se chargera de toute la partie administrative. Ces honoraires devraient compenser, au moins en partie, les dépenses de la municipalité, escomptent les élus. Des visites à domicile seront proposées aux patients qui ne pourraient pas se déplacer. Les médecins assureront leur tour de garde à côté de leurs collègues libéraux, sans toutefois, pour l’instant, percevoir d’astreinte. Malgré le contrat de 35 heures, le temps consacré aux patients sera plus proche des 45 heures hebdomadaires mais « la télétransmission des feuilles des soins, la déclaration des impôts, l’URSAFF, toute cette paperasse qui pollue le travail du médecin sera gérée par la secrétaire médicale et les services de la ville, assure l’élu. Et quand les autres médecins seront arrivés, un roulement favorable à la gestion de leur temps de travail pourra être mis en place ».

Un concept qui fait tache d’huile

Le concept mis en place dans cette petite commune de la Sarthe n’est en soi pas nouvelle en soi. Héritier de l’ancien dispensaire, le centre de santé existe dans le paysage sanitaire français depuis des décennies. Mais avec une vocation sociale, alors que celui de la Ferté Bernard utilise pour la première fois la formule pour pallier à un problème de démographie médicale. Et si cette tentative paraît encore trop balbutiante pour constituer une véritable alternative à la médecine libérale, il pourrait faire tâche d’huile. Confrontés au même problème que leur collègue de la Sarthe, plusieurs Maires auraient déjà manifesté leur intérêt pour la mise en place d’un Centre de santé en milieu rural, dans la Vienne, dans le nord de l’Ile-de-France, dans le Limousin ou dans l’ouest. Le maire de Larche en Corrèze s’explique de cette option : « s’il n’y a pas d’autres solutions pour attirer les médecins que de les salarier, il faudra se résigner à cette formule,» estime Jean-Claude Fimbel. Cette commune de la Corrèze compte six médecins, dont quatre seront appelés à prendre leur retraite dans les années à venir. Comme son homologue de la Sarthe, Jean-Claude Fimbel n’a pas retenu l’option maison médicale. Trop onéreux: « cela coûte plus cher que de salarier un médecin. Beaucoup d’entre elles sont restées vides et se sont révélées un mauvais investissement pour les communes qui avaient fait ce choix », souligne cet édile. Comme d’autres, cet élu envisage bien qu’offre salariée et offre libérale puissent cohabiter. A ses yeux, si les deux activités se ressemblent, en termes de visites et de consultations, « ce qui change c’est le nombre d’actes et l’emploi du temps du médecin ». « Par le passé, le métier de médecin était une vocation, les anciens médecins ne pouvaient pas disposer de leur temps comme ils l’auraient souhaité. Les temps changent, il faut s’y faire. Le mode de vie d’aujourd’hui est en harmonie avec le monde actuel, » observe l’élu.

En charge des soins de proximité de Merdrignac, dans les Côtes-d’Armor, Laurent Michel, n’est pas loin de partager cette analyse. Ce cadre municipal sait de quoi il parle : en s’installant dans la communauté de communes, les médecins libéraux auraient pu bénéficier d’exonérations fiscales propres aux zones de revitalisation rurale (ZRR), « mais les jeunes médecins sont attirés par un mode de rémunération qui sort du paiement à l’acte, qui peut être salarié ou mixte. »

Réticences syndicales

Les médecins libéraux partagent-ils cette analyse . Pas sûr. Installé en libéral à La Ferté Bernard, le Dr Didier Saboureault, émet en tout cas des réserves : « le Centre de santé est une solution, mais n’est pas forcément la bonne, s’emporte le praticien. Pour l’instant ce sont les Mairies qui salarient leurs médecins, mais le jour ou l’Assurance-maladie, les complémentaires de santé ou les organismes privés décideront de le faire, la liberté de prescription en prendra un coup ». Ce professionnel de santé, un des rares à s’exprimer sur le sujet, s’interroge : « pourquoi les jeunes ne veulent plus s’installer en exercice libéral ? Ce sont les conditions sociales de la profession qui ne sont pas optimales. En cas de maladie, par exemple, un médecin libéral doit attendre trois mois avant de recevoir des indemnités journalières ! En plus, la profession se féminise : bientôt 70% des médecins seront des femmes, qui seront confrontées, entre autres, au problème du congé maternité. Si on ne revoit pas le statut du médecin, la médecine libérale est morte à court terme. »

Côté syndicats, on ne peut pas dire non plus que l’initiative de la municipalité de La Ferté Bernard soit accueillie avec enthousiasme. Secrétaire général de l’URPS des Pays de la Loire, le Dr Luc Duquesnel juge plutôt la démarche incongrue et en tout cas complètement déconnectée des aspirations des médecins libéraux du secteur. Pour lui, c’est d’ailleurs un paradoxe que de voir s’installer en Pays-de-Loire un premier centre de santé en zone semi-rurale, alors même que l’Union régionale co-organisera le mois prochain une seconde « Journée régionale des pôles et maisons de santé libéraux ». « On est quand même dans une région où l’on a énormément travaillé sur les regroupements de professionnels de premiers recours, observe le généraliste mayennais. Pour nous, La Ferté Bernard, c’est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire. Cela ne prend place dans aucun projet de santé territorial. Donc ce n’est certainement pas la bonne façon de procéder. On ne construit pas comme ça un projet de santé sans les professionnels libéraux.» Analyse similaire de la part de la responsable de MG 72 : « C’est vrai que dans la Sarthe avec la moitié des médecins généralistes de plus de 58 ans, la situation est catastrophique. Et aucun jeune ne veut s’installer en libéral vu les conditions dans lesquelles on travaille, » reconnaît le Dr Marie-Ange Lecomte qui néanmoins déplore elle aussi un projet « mené sans aucune concertation avec les médecins libéraux» et pour l’heure, l’absence de participation du centre de santé à la pds du secteur.

A MG, comme à la CSMF, les syndicalistes locaux sont d’ailleurs dubitatifs sur la faisabilité de l’expérience. « Au niveau de l’URPS, nous serons particulièrement intéressés par l’évaluation du dispositif» explique Luc Duquesnel, qui pointe « le risque que cela fasse fuir les autres praticiens du secteur et ainsi déstabilise l’offre de soins. Ce qui serait quand même un comble ! » Les doutes portent aussi sur l’équilibre financier de l’expérience. Et à terme sur sa viabilité : « pour remplacer un libéral, est-ce qu’il ne faudra deux médecins salariés ?» s’interroge Luc Duquesnel. Abondant dans le même sens, sa cons?ur Manselle de MG France rappelle que « la patientèle d’un médecin en centre de santé, c’est 300 à 400 patients, contre 1100 à 1200 pour un médecin libéral.»

Dossier réalisé par Giulia Gandolfi et Paul Bretagne
http://www.legeneraliste.fr/layout/Rub_ACTU.cfm?espace=ACTU&id_rubrique=1012&id_article=30914
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Commentaires
R
Passage choisi du livre de Robert Escande « Médecin, quand reviendras-tu ? »<br /> <br /> J'ai longtemps hésité avant d'oser écrire ce livre. Comment résumer mes vingt années d'installation en qualité de médecin généraliste à Saint-Étienne en Montagne ? Il s'est passé tellement de choses bouleversantes, qui ont changé à jamais la vie des habitants de cette paisible commune rurale, et la mienne. Vingt années entre le rire et les larmes, la joie et la détresse, le bonheur et la souffrance, entre la vie et la mort. Le quotidien en bref d'un médecin de campagne, dont le métier est aussi bien d'assister aux accouchements que de fermer les yeux des morts. La routine d'un travail déjà profondément complexe, et dans le contexte de l'installation à Saint-Étienne en Montagne, considérablement amplifié par la caisse de résonnance du désert médical du haut plateau ardéchois. Mes succès et mes échecs n'auront pas les mêmes conséquences sur cette terre oubliée des dieux, balayée par la Burle, coupée du monde par des mois de neige formant sur des routes déjà chaotiques des congères infranchissables. L'exercice de mon «art médical» n'aura pas la même incidence ici que dans ma ville natale, Marseille, baignée de soleil, sublimée par la Méditerranée, la plus belle des mers, et qui n'avait qu'un seul défaut à mes yeux, responsable de mon lointain exil montagneux : la surpopulation médicale. Ayant la phobie de la salle d'attente vide, situation que j'avais vécue en qualité de remplaçant pendant un an, j'avais pris le contre-pied absolu : j'irais m'installer dans le seul canton de France qui n'avait jamais eu de médecin !<br /> <br /> Situation alors inédite à l'époque, qui devint au fur et à mesure des années la dure réalité pour de plus en plus de campagnes.<br /> <br /> Situation soi-disant déplorée par nos élus, mais à vrai dire provoquée, soigneusement entretenue par une politique, une fiscalité et une pression administrative écrasante. En réalité, à toutes les échelles du pouvoir, on assiste à une démolition en règle des cabinets médicaux qui subsistent. Tout est fait pour leur substituer des «maisons médicales», où de rares permanences effectuées par des docteurs souvent étrangers, donnent à notre administration le sentiment du devoir accompli, et la jouissance d'avoir remplacé à bon compte des médecins libéraux jugés trop indépendants, pas assez serviles...<br /> <br /> Avant de franchir définitivement le pas, et en bon élève de ce que je pensais être à l'époque un comportement confraternel, j'écrivis au président du conseil de l'Ordre de l'Ardèche et aux médecins les plus proches de mon installation. Je leur faisais part de mon désir de venir m'installer en ce lieu, et de ma joie de pouvoir collaborer au suivi médical de cette population si éloignée des hôpitaux. Ils étaient tous étrangement distants de cinquante kilomètres, dans un canton ardéchois en contact de deux autres départements : la Haute Loire, et la Lozère. Sur un point de la carte, pas très loin du village, trois régions différentes se touchaient : le Languedoc-Roussillon, l'Auvergne, et la région PACA. Situation pour le moins écartelée, dont la bizarre impression de discordance était accentuée par l'extrême diversité du paysage, hésitant entre forêts denses et sombres de conifères dignes des Laurentides du Canada, et vastes steppes d'herbe rase balayées par des vents semblant venus de Mongolie orientale...<br /> <br /> Avant d'arriver à Saint-Etienne en Montagne, un panneau signalant le partage des eaux entre Méditerranée et Atlantique vous mettait en garde, à des centaines de kilomètres d'un quelconque littoral : la pluviométrie ici vous jouerait des tours...
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